27èmes rencontres du cinéma sud-américain 

Marseille, le 2 Mai 2025

Intervention du jury officiel pour la  remise des prix 

Le jury composé de Laetitia Agostini, Alain Barlatier, Marie Colmant, Olivier Lucas et Valentina Viettro tient tout d’abord à féliciter par l’intermédiaire  de Leonor Harispe, l’ensemble de l’équipe de l’Association Solidarité Provence Amérique du Sud qui organise les  Rencontres du cinéma sud-américain depuis 27 années et qui travaille d’arrache pied, pour faire connaître la richesse du cinéma de tout un continent, de le soutenir activement envers et contre toutes les tendances régressives actuelles, d’éduquer et de former les jeunes générations à l’étude de l’image, du scenario, de la construction filmique en lien avec les enseignants du service public d’éducation qui répondent toujours présents.

Dans la période difficile que nous vivons les forces illibérales accentuent leur pression, leurs prises de position et de pouvoir sur l’ensemble du continent américain et bien au-delà. La résistance et la solidarité sont à l’ordre du jour. 

Résister à la tronçonneuse de Javier Milei ou celle d’Elon Musk, résister aux coupes sombres dans les budgets sociaux et/ou de la culture, résister à l’entreprise de bâillonnement de la liberté d’expression et de création.

Il est fondamental que nous puissions agir de concert pour laisser libre court à l’imaginaire, à l’inventivité, à la créativité du génie humain et en ce qui nous concerne ce soir à l’expression de l’ensemble des créateurs du continent sud-américain. 

Oui le cinéma  sud-américain est un cinéma libre et vivant qui détermine ses propres orientations tant en ce qui concerne l’approche des questions sociales que de la poésie et à la rêverie propre à cette culture.  

Ce qui se passe ici en France, en Espagne, en Italie et ailleurs est déterminant pour aider ces générations à continuer à exister, pour les aider à s’organiser contre ces entreprises régressives comme le disait fort justement Agustin Berro Madore réalisateur de « Las olas que vendran » ici même il y a quelques jours. 

Sachez que ce festival et l’ensemble de tous les festivals dédiés à l’Amérique latine trouvent une large écho de l’autre côté de l’Océan.

Ces 27èmes rencontres ont reçu pas moins de 130 propositions de courts et longs métrages et la sélection a du être un choix cornélien. Comme elle l’a été pour nous, les membres du jury, quand il a fallu départager tous ces talents réunis sur la toile du cinéma Les Variétés à Marseille.

Après plusieurs jours de visionnage et d’échanges voici maintenant le temps de dévoiler notre palmarès.

En ce qui concerne les courts-métrages.

Prix du meilleur court-métrage : Estamos en el mapa du réalisateur Santiago Rodriguez Cardenas (Colombie). 

Nous tenons à récompenser ce court-métrage pour sa créativité, son approche originale (l’existence ou pas d’un quartier populaire sur une carte numérique aérienne), la description documentaire sensible et détaillée des problèmes que rencontre toute une population au quotidien, la solidarité qui peut unir tous ces gens afin d’être reconnus et pris en compte par un pouvoir politique distant voire hostile.

En ce qui concerne les longs-métrages.

Prix spécial du Jury pour la mise en scène :Soy Mùcura de Nina Marín (Colombie)

Permettre à la jeune  l’actrice NOM ??? de jouer avec brio le rôle de Mùcura, relève d’un très grand travail de direction d’acteur.trices, tout comme le travail réalisé pour créer cette connivence, cette complicité finale entre la petite fille et sa grand-mère interprétée par Ana Elvira Díaz Dangond.

Prix spécial du Jury  pour la musique et la photographie : Sugar Island de Johanné Gómez Terrero (République Dominicaine)

Prix d’interprétation masculine :  Orlando Alexis Ortiz dans Me dicen El Panzer  de Rodrigo Quintero Arauz (Panama). Réaliser un tel film au Panama dans des conditions plus que difficiles, sans moyens mais avec la motivation des producteurs venant d’Espagne (Canaries) était un vrai défit. Avec en majorité des comédiens amateurs n’ayant jamais travaillé sur un plateau de cinéma le réalisateur l’a relevé. La prestation du jeune Orlando Alexis Ortiz jouant le rôle principal  en est une parfaite illustration. Et ce fut une réussite.

Prix d’interprétation féminine : Yelidá Díaz dans Sugar Island
de Johanné Gómez Terrero (République Dominicaine)

Cette jeune comédienne nous a  fortement impressionnés par la capacité de transformation de sa personnalité tout le long du déroulement du scenario. Le passage d’une adolescente réservée se retrouvant à son corps défendant enceinte à une jeune femme adulte se fait au moment où celle-ci assume sa maternité et devient à la fois une actrice du mouvement social des « apatrides » haïtiens présents sur l’île et une icône de la culture vaudou. Cette prestation méritait largement cette distinction. 

 Prix spécial du Jury : Los tonos mayores d’Ingrid Pokropek (Argentine)

Encore un fois le cinéma argentin nous fait la démonstration de sa diversité et de sa créativité avec là aussi une interrogation sur le passage d’un état à l’autre avec Ana, une adolescente de 14 ans, qui découvre toutes les possibilités offertes par son corps véritable émetteur de sentiment. Anna est capable d’emmener le spectateur dans son monde imaginaire et de lui laisser toute liberté pour évoluer dans cette aventure fantastique. Le premier film de cette jeune réalisatrice argentine est une réussite et augure bien de la suite de son cinéma et des trésors de créativité existant dans ce pays. 

 Colibri d’Or (Prix du Meilleur Film) De la guerre froide à la guerre verte d’Anna Recalde Miranda (Paraguay)

Le documentaire de création est enfin reconnu comme un genre cinématographique à part entière et trouve de plus en plus sa place dans les festivals auprès d’oeuvres de fiction.  Sa présence dans ces Rencontres en atteste, tout comme dans d’autres festival et non des moindres (comme par exemple lors de la Berlinade de 2023 qui a récompensé par l’Ours d’Or le travail de Nicolas Philibert). 

Le documentaire d’Anna Recalde Miranda est fondamental à plus d’un titre. Il est un très  grand travail de recherche et de collecte de témoignages d’une grande précision. Il est aussi un magnifique travail de  photographie sans laquelle aucun film ne pourrait exister. Ce film est aussi un aller-retour entre la Grande Histoire – l’adaptation du capitalisme aux nouvelles formes de production, d’exploitation et d’oppression, l’évolution de l’internationale de la répression face à la contestation de la République du Soja – et la « Petite Histoire » celle de chacun/chacune d’entre nous au travers de son parcours personnel. La réalisatrice avec beaucoup de tact et de discrétion nous invite à ce voyage sans jamais se mettre en avant. Et ce n’est pas là la moindre de ses qualités.

Pour terminer nous tenons à dire que ce palmarès doit être perçu comme un hommage à toute une génération de cinéastes pour qu’elle puisse continuer de travailler dans la voie (el camino) qu’elle s’est choisi et qu’elle puisse continuer à compter sur notre voix (la voz).

Marseille, le 2 mai 2025


Deja un comentario